Déclaration Bonnet-Ribbentrop

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La Croix de l’Aveyronannée 49, numéro 50 (p. 2-8).

LES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES
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M. BONNET ET VON RIBBENTROPP
ONT SIGNÉ, À PARIS,
LA DÉCLARATION COMMUNE
ANNONCÉE DEPUIS QUELQUES SEMAINES
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M. RIBBENTROPP A QUITTÉ
BERLIN
Berlin, 5 décembre.

M. Ribbentropp, ministre des Affaires Étrangères du Reich, a quitté Berlin à 21 h. 25, en compagnie de Mme Ribbentropp et d’une vingtaine de personnalités.

Avant son départ, le ministre allemand a déclaré à un correspondant de l’agence Havas qu’il se réjouissait de revoir Paris et qu’il aurait plaisir à y séjourner.

L’ARRIVÉE DU MINISTRE
ALLEMAND À PARIS
Paris, 6 décembre.

M. von Ribbentrop est arrivé à Paris à 11 heures par la gare des Invalides somptueusement décorée.

M. G. Bonnet est arrivé au même moment pour le saluer.

À 11 h. 15 M. von Ribbentrop est sorti de la gare en compagnie de Mme von Ribbentrop, de MM. Henry, ambassadeur de France ; Loze, chef du protocole. Il s’est rendu à l’hôtel Crillon.

M. Bonnet a regagné le Quai d’Orsay.

À L’ÉLYSÉE

À 12 h. 15 M. von Ribbentrop, en grand uniforme sortait de l’hôtel et montait aussitôt en voiture.

Le cortège se dirigeait vers le Palais de l’Élysée.

M. Lebrun a reçu M. von Ribbentrop en une audience privée qui a duré 25 minutes environ, en présence de l’ambassadeur du Reich.

UN DÉJEUNER À MATIGNON

À 13 heures, M. Daladier offrait à l’hôtel Matignon un déjeuner en l’honneur de M. von Ribbentrop, de l’ambassadeur d’Allemagne, de MM. Chautemps, Bonnet, Béranger, Misler, Léger, Coulondre.

De nombreuses personnalités françaises et allemandes y assistaient.

À l’issue du déjeuner, MM. von Ribbentrop et Bonnet se rendaient au Quai d’Orsay à 15 h. 40 accompagnés de l’ambassadeur du Reich et de l’interprète, M. Schmidt.

LA SIGNATURE
DE LA DÉCLARATION
COMMUNE FRANCO-ALLEMANDE

À 15 h. 42 M. von Ribbentropp s’asseoit à la table du grand salon de l’Horloge et signe la déclaration franco-allemande annoncée.

M. G. Bonnet signe ensuite.

À 15 h. 45 la cérémonie est terminée.

Les ministres français et allemand se lèvent et se rendent dans le cabinet de M. Bonnet accompagnés seulement de M. Léger et de l’ambassadeur du Reich.

LE TEXTE DE LA DÉCLARATION

Voici le texte de la déclaration franco-allemande :

MM. Bonnet et von Ribbentropp agissant au nom et par ordre de leurs gouvernements ont convenu ce qui suit, lors de leur rencontre à Paris le 6 décembre 1938 :

1. Le gouvernement français et le gouvernement allemand partagent pleinement la conviction que les relations pacifiques et de bon voisinage entre la France et l’Allemagne constituent un des éléments essentiels de la consolidation de la situation en Europe et du maintien de la paix générale.

Les deux gouvernements emploieront en conséquence toutes leurs forces à assurer le développement, dans ce sens, des relations entre leurs pays.

2. Les deux gouvernements constatent qu’entre leurs pays aucune question d’ordre territorial n’est en suspens, ils reconnaissent solennellement comme définitive la frontière entre leurs pays telle qu’elle est tracée.

3. Les deux gouvernements sont résolus, sous réserve de leurs relations particulières avec des puissances tierces à demeurer en contact sur toutes les questions intéressant leurs deux pays et se consulter mutuellement au cas où l’évolution ultérieure de ces questions risquerait de conduire à des difficultés internationales.

En foi de quoi les représentants des deux gouvernements ont signé la présente déclaration qui entre immédiatement en vigueur.

Fait en double exemplaire, en langue française et en langue allemande, à Paris le 6 décembre mil neuf cent trente huit.

Signé : Georges BONNET, Joachim VON RIBBENTROP.

UN COMMUNIQUÉ OFFICIEL
Paris, 6 décembre.

Les entretiens entre les ministres des Affaires Étrangères de France et d’Allemagne, qui avaient commencé au Quai d’Orsay à 15 h. 5 se sont terminés à 18 h. 25.

Les ministres français et allemand se sont rendus au salon de l’Horloge où ils ont reçu les journalistes allemands et les représentants de la presse diplomatique française.

À l’issue de l’entretien M. Bonnet a lu le communiqué suivant qui a été publié en français et en allemand.

« La visite du ministre des Affaires Étrangères du Reich le 6 décembre a fourni l’occasion d’un large échange de vues franco-allemand.

» Au cours des entretiens qui ont eu lieu, entre M. von Ribbentrop et M. Bonnet, il a été procédé à l’examen des principaux problèmes européens et plus particulièrement de ceux concernant directement les rapports politiques et économiques entre la France et l’Allemagne.

» Il a été reconnu, de part et d’autre, que le développement des relations entre les deux pays sur la base de la reconnaissance formelle de leur frontière, servirait non seulement leurs intérêts communs, mais constituerait une contribution essentielle au maintien de la paix.

» C’est dans cet esprit que les ministres des Affaires Étrangères des deux pays ont signé leur déclaration qui, tout en réservant les relations particulières des deux gouvernements avec des puissances tierces exprime leur volonté de collaboration pacifique dans un respect mutuel et marque, ainsi, un pas important dans la voie de l’apaisement général ».

Dans sa déclaration à la presse, M. von Ribbentrop a rappelé la contribution de la France et de l’Allemagne à la civilisation. Il a évoqué le courage réciproque montré par les deux peuples durant la guerre.

La déclaration d’aujourd’hui a-t-il dit, écartera des préjugés historiques et marquera une détente des relations entre les deux pays.

M. von Ribbentrop a rappelé l’accueil chaleureux fait à M. Daladier et l’accueil si sympathique qu’il a reçu, lui-même, ce matin à Paris.

« La date d’aujourd’hui a conclu M. von Ribbentrop, ouvre une ère nouvelle dans les rapports des deux pays. »

Répondant à la déclaration de M. von Ribbentrop, M. Georges Bonnet a souligné que la déclaration commune d’aujourd’hui, en reconnaissant formellement les frontières franco-allemandes, met fin à un long débat historique et prépare la collaboration entre les deux pays.

Le ministre des Affaires Étrangères a fait allusion à la valeur des échanges intellectuels entre la France et l’Allemagne. Il a déclaré que les deux peuples avaient une estime réciproque, née de la grande guerre, et qu’ils voulaient travailler dans une atmosphère de compréhension et de paix.

La déclaration constitue une étape importante dans l’œuvre de coopération à laquelle la France voudrait voir participer tous les pays.

M. VON RIBBENTROP
A EU UN ENTRETIEN
AVEC L’AMBASSADEUR D’ITALIE
Paris, 6 décembre.

Venant du Quai d’Orsay et rentrant à son hôtel de la Place de la Concorde, M. von Ribbentrop a reçu presqu’aussitôt après M. de Guariglia, ambassadeur d’Italie à Paris.

Quarante-cinq minutes après, c’est-à-dire vers 19 h. 45, M. de Guariglia a quitté l’hôtel.

Interrogé par les journalistes présents sur le but de sa visite, il a répondu qu’elle était une visite de pure courtoisie et qu’elle n’avait pas été prévue.

COMMENT FUT CONÇUE
LA DÉCLARATION

L’idée de la déclaration prit naissance au cours du long entretien que M. François-Poncet eut, avant de quitter l’Allemagne vers le milieu du mois d’octobre avec le chancelier Hitler, à Berchtesgaden.

Le projet prit rapidement corps, et quelques jours plus tard, les textes furent préparés.

Le 7 novembre, le comte Welszeck apporta à M. Georges Bonnet l’adhésion du gouvernement du Reich. Les conditions de la signature de l’accord furent aussitôt envisagées, et il fut entendu qu’en raison de son importance, le document serait signé par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, soit à Paris, soit à Berlin.

Dès le lendemain de la conversation Hitler-François-Poncet, M. G. Bonnet avait mis le gouvernement de Londres au courant du projet, par l’intermédiaire de sir Eric Phipps, et le 7 novembre, le ministre français des Affaires étrangères informa le cabinet de Londres de l’adhésion du gouvernement du Reich.

Dans les milieux français autorisés, on souligne que les négociations ont été menées sans difficultés, dans une atmosphère de clarté et de loyauté entière de part et d’autre.

Le document contient une reconnaissance des frontières existantes, et l’engagement de la part des deux pays, de procéder à des consultations mutuelles en cas de litige, sous réserve toutefois des relations particulières avec les tierces puissances.

LE DÎNER DE MARDI
AU QUAI D’ORSAY

Mardi soir, un brillant dîner a été offert, au Quai d’Orsay, par le ministre des affaires étrangères et M. G. Bonnet, en l’honneur de M. et Mme von Ribbentrop.

Parmi les personnalités présentes, on remarquait notamment :

Du côté allemand : L’ambassadeur du Reich et la comtesse von Welczeck ; le docteur Gaus, chef du service juridique du ministère des affaires étrangères ; le docteur Wiehl, directeur des affaires commerciales du ministère des affaires étrangères ; M. Aschmann, chef de la presse ; le baron von Dornberg, ministre plénipotentiaire, chef du protocole, etc.

Du côté français : Les ministres de la justice, de l’intérieur, des finances, de l’air, des travaux publics et du commerce ; MM. Caillaux, Charles Dumont, Henri Bérenger, Mistler, le baron de La Grange, sénateur, et la baronne de La Grange ; la duchesse de la Rochefoucauld ; la marquise de Crussol ; M. Villey, préfet de la Seine, et Mme Villey ; M. Langeron, préfet de police ; M. Siegfried, membre de l’Institut, etc.

Après le dîner du Quai-d’Orsay, M. et Mme von Ribbentrop ont regagné l’hôtel Crillon, où ils sont arrivés à 22 h. 25.

L’ambassadeur d’Allemagne et la comtesse von Welczeck, qui les avaient accompagnés, prenaient bientôt congé pour rejoindre l’ambassade.

LE MINISTRE ALLEMAND
À L’ARC DE TRIOMPHE
Paris, 7 décembre.

M. von Ribbentrop et sa suite se sont rendus à l’Arc de Triomphe. Ils ont été accueillis par MM. Bonnet, Coulondre, Langeron à 10 heures.

M. von Ribbentrop a déposé une immense couronne de lauriers ornée d’un ruban rouge timbré de la « croix gammée » sur la dalle sacrée.

MM. von Ribbentrop et Bonnet ont signé le Livre d’Or du comité de la flamme.

M. von Ribbentrop a été reçu à 11 heures à la maison Gœthe, avenue d’Iéna. Il a assisté entre 11 h. 20 et 11 h. 50 à une réception de la colonie allemande à la Maison Allemande.

AU LOUVRE

M. von Ribbentrop et Madame ont visité, de 12 h à 13 h., le musée du Louvre.

Ils y ont été reçus par MM. Coulondre et Huysmans.

UN DÉJEUNER FRANCO-ALLEMAND

À 13 h. 15 ils ont assisté à l’Hôtel Crillon à un déjeuner offert par le comité France-Allemagne en présence de nombreuses personnalités parmi lesquelles on remarquait notamment MM. de Monzie et Pomaret, etc.

Au déjeuner MM. von Ribbentrop et Scapini, député, président du comité France-Allemagne ont souligné la nécessité d’une normalisation et de la continuation des relations franco-allemandes.

L’APRÈS-MIDI

Cet après-midi M. von Ribbentrop a eu de nouvelles conversations diplomatiques. À 17 h. 30 Mme et M. von Ribbentrop, M. Bonnet et Mme Bonnet ont visité les éclairages des sculptures du musée du Louvre.

M. BONNET A REÇU
L’AMBASSADEUR D’ANGLETERRE
Paris, 7 décembre.

Ce matin, M. Bonnet a mis l’ambassadeur d’Angleterre au courant des conversations franco-allemandes.

NOUVEL ENTRETIEN
Paris 7 décembre.

De 18 h. 30 à 19 h. 15, MM. Bonnet et von Ribbentrop ont eu un nouvel entretien.

LE DÉPART DE M. RIBBENTROP

M. von Ribbentrop a quitté Paris dans la matinée de jeudi pour rentrer à Berlin.